Antoine Duris, professeur aux Beaux-Arts de Lyon, quitte brusquement son poste pour devenir gardien de salle au Musée d’Orsay – devant le portrait de Jeanne Hébuterne, peint par Modigliani. À propos de votre dernier roman traduit en roumain, « Vers la beauté » (qui propose une intrigue autour de l’art, et de la peinture), vous avez cité Dostoïevski : « La beauté sauvera le monde ». Est-ce que vous pensez, dans le contexte actuel de la pandémie, que l’art – et en particulier la littérature – peut nous « sauver », durant le confinement ?
C’est vrai que c’est une question d’actualité. Au tout départ, c’est un sujet assez personnel, car j’ai été gravement malade à l’âge de 16 ans, et je sais que la littérature, la peinture, l’art ou la beauté en général m’a consolé et même sauvé. Je ne pense pas que l’art puisse sauver de la détresse, ou guérir, mais c’est une consolation. Plus que jamais le monde aura besoin de ce qui nous touche émotionnellement. Nous allons vers l’essentiel, ce qui va au cœur.
Pourquoi Modigliani et sa muse, Jeanne Hébuterne, dans cette histoire romanesque ?
Je trouvais ça très romanesque d’avoir un personnage qui passe 8 heures par jour face à un chef d’œuvre de la peinture. C’est comme un collègue dans un open space ! Et je voulais un visage féminin. On comprend un peu plus tard dans le roman pourquoi j’ai choisi un tel symbole de vie tragique. Car la vie de Jeanne Hébuterne est bouleversante. Elle a suivi à en mourir Modigliani.
Antoine Duris fait allusion, à un moment donné, au destin malheureux du peintre Modigliani dont la reconnaissance a été posthume. Est-ce un clin d’œil à l’artiste contemporain, une allusion à la condition de l’artiste en général ?
Non, il n’y a pas vraiment de clin d’œil à notre époque. J’aime mélanger aux romans les histoires des artistes. Mêler au destin de mes personnages celui incroyable de Modigliani. C’est vrai qu’il est mort dans la misère, juste avant de devenir incroyablement célèbre. C’est une vie de souffrance qui s’est transformée en soleil.
Est-il possible de « disparaître » de sa propre vie aujourd’hui ? (comme veut le faire Antoine Duris) Peut-on échapper aux médias, finalement à la surveillance des médias aujourd’hui ?
Mon roman repose sur une énigme : un homme quitte tout du jour au lendemain ? On se demande pourquoi. Il passe de professeur aux Beaux Arts à simple gardien de musée. On se rend compte à quel point c’est difficile aujourd’hui de ne pas laisser de traces. Et tout le monde nous interroge tout le temps.
Il y a plusieurs suggestions dans le roman à propos des pouvoirs de l’art: l’art qui guérit la souffrance (Antoine Duris « parle » au portrait de Jeanne Hébuterne, puis à celui de son étudiante, Camille), l’art qui rapproche les gens (à voir le début de l’histoire d’amour de Antoine Duris et Mathilde Mattel). Et l’on pourrait continuer ?
Au-delà de l’art, c’est la beauté qui console selon moi. Et chacun possède sa propre définition de la beauté. Pour moi la beauté est l’émotion que j’éprouve en lisant certains livres, ou face à certaines oeuvres. Mais je crois que la beauté est partout. Elle est dans la curiosité que nous avons face au monde.
Charlotte Salomon, Modigliani, et puis Camille – il s’agit toujours de l’univers de la peinture, avez-vous une passion particulière pour la peinture ?
Oui, „Vers la beauté” est dans la lignée de Charlotte. Mais j’ai écrit aussi d’autres livres où je ne parle pas de peinture ! J’aime les relations humaines, ce qui fait que deux personnes se retrouvent liées par le destin.
Pourriez-vous nous parler un peu de votre prochain livre/ projet? Qu’est-ce que sera le monde (littéraire) après ce confinement ?
J’ai déjà écrit deux autres romans depuis celui-là ! Et j’avais deux pièces de théatre jouées à Paris avant le confinement. Mon prochain est un film. J’avais déjà réalisé l’adaptation de „La délicatesse” avec Audrey Tautou. Ça sera un film sur les fantasmes sexuels ! Depuis que je l’ai annoncé, on m’envoie plein d’anecdotes sur Facebook.
Propos recueillis par Adina Dinițoiu
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